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La stagnation séculaire

De quoi parle-t-on?

Avant la révolution industrielle, le taux de croissance mondiale fut de l’ordre de 0,01 %.À partir du XIXe siècle, ce taux a augmenté pour se situer aux environs de 3 %.  Cette croissance s’est effectuée au fil de différents cycles économiques comportant des périodes de croissance et de récession.  Selon des données publiées par l’OCDE en 2001 à partir des travaux de l’historien de l’économie Angus Maddison, un taux de croissance annuel moyen composé de l’ordre de 3 % est maintenant exceptionnel.  Ce taux aurait été de 0,01 % durant le premier millénaire, de 0,22 % de l’an 1000 à 1820 et de 2,21 % de 1820 à 1998.

La notion de stagnation séculaire fut introduite par Alvin Hansen en 1938 et reprise par Lawrence Summers en 2013 dans la foulée de la crise financière de 2008 dont l’économie mondiale avait de la difficulté à se relever. Selon Summers, la faible hausse de la population active, la croissance des inégalités et la faiblesse des progrès technologiques expliquent le manque persistant de tonus de l’économie.

Est-ce possible?

Différents indices suggèrent un retour à la stagnation séculaire, soit aux taux de croissance qui étaient la norme avant le XIXe siècle.  À ce titre, citons le niveau des exportations, des investissements, des taux d’intérêt ainsi que l’inefficacité des assouplissements monétaires.  Au Québec, le taux de croissance du PIB fut de 3,5 % de 1970 à 1980 et de 1,8 % de 2010 à 2015.

La notion de stagnation séculaire est exclue du vocabulaire des organismes internationaux (ex. FMI, OCDE), des politiciens (ex. ministres des finances), de la Banque du Canada et du Directeur des affaires parlementaires du budget (Ottawa). 

Un certain nombre de facteurs militent en faveur de la reconnaissance de cette théorie, tels que :

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  • la saturation et la maturité des marchés (la demande ne peut que décroître, étant donné qu’une bonne partie de la population possède déjà tous les biens et les services nécessaires);
  • les nouvelles technologies ont peu d’effets d’entraînement sur l’économie (panne d’innovation et dématérialisation);
  • la mauvaise répartition du pouvoir d’achat;
  • l’endettement public et privé croissant;
  • le déclin démographique dans les pays développés;
  • la montée de la financiarisation;
  • l’importance croissante des secteurs moins productifs (ex. les services);
  • l’incertitude économique et politique (ex. BREXIT, populisme, protectionnisme, ralentissement marqué de plusieurs économies émergentes).

Est-ce grave?

On ne peut que répondre positivement à la question « Est-ce grave ? » tout en manifestant une certaine réserve.

  • OUI

Parmi les phénomènes inquiétants pouvant être associés à un contexte de stagnation séculaire, signalons :

  • le glissement possible de l’économie vers une récession ou la déflation;
  • le sentiment populaire que le bonheur individuel dépend de la croissance des revenus;
  • l’impossibilité de baisser la dette publique sans douleur (en période de croissance rapide, la valeur réelle de la dette baisse automatiquement);
  • l’obligation pour les gouvernements d’effectuer certains choix impopulaires : si on donne plus à un groupe, il faut en donner moins à un autre;
  • la persistance de besoins insatisfaits dans la population (ex. pauvreté, soins de santé, services sociaux).

Pas tant que cela

D’autres facteurs que ceux précédemment mentionnés doivent être pris en considération pour évaluer le contexte actuel.  À titre d’exemple, citons :

  • la préservation de l’environnement qui profite d’un ralentissement économique;
  • le niveau de bien-être sans précédent présent dans les pays développés (ex. consommation, équipement, loisirs, espérance de vie, qualité des biens et services);
  • le PIB per capita et le « BIB » (bonheur intérieur brut) élevés.

Compte tenu de ces dernières observations, il y a lieu de se demander si l’humanité n’a pas atteint l’âge d’or annoncé par Keynes en 1934.

Que faire?

Différentes initiatives peuvent être entreprises pour faire face à un contexte possible de stagnation séculaire, dont :

  • recycler le pouvoir d’achat vers les moins nantis tant à l’intérieur des pays qu’au niveau mondial;
  • donner de nouveaux moyens budgétaires aux gouvernements (ex. taxer la richesse);
  • changer le discours public en prenant en considération que nous vivons une prospérité sans précédent, que toute croissance additionnelle met l’humanité en danger, que le PIB est un indice limité et trompeur.

La fin de la présentation de fournit aux participants l’occasion d’échanger sur le contexte économique mondial.  Parmi les commentaires alors formulés, certains ont trait à la concentration de la richesse, la mondialisation, les déséquilibres sociaux, les générations futures, la fragilité du système bancaire chinois, le comportement géopolitique de la Chine et des États-Unis, la perte d’hégémonie du dollar américain ainsi que les changements climatiques.

Présentation de Jean-Claude Fortier
Le 8 novembre 2016

Date de dernière mise à jour : 06/04/2020

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